Didier Bessot, professeur agrégé honoraire au lycée Augustin Fresnel de Caen, est décédé à Caen le 3 avril 2024 à l’âge de 76 ans. Depuis plus de quarante ans, il s’était considérablement investi à l’IREM de Basse-Normandie et à la CIIÉHM. De nombreux collègues étaient présents à ses obsèques, et l’ADÉRHÉM avait envoyé une gerbe de fleurs.
Après des études secondaires au Prytanée militaire de la Flèche comme pupille de la nation, Didier Bessot avait obtenu en 1971 une maîtrise de mathématiques à Caen. Il fut d’abord reçu au CAPES en 1976, puis à l’agrégation interne de mathématiques en 1990, l’année de la création de ce concours. Toute sa carrière d’enseignant s’est faite au lycée Fresnel, exception faite d’une année au collège-lycée expérimental d’Hérouville-Saint-Clair, mais il a aussi enseigné comme vacataire dans l’enseignement supérieur, notamment au département informatique de l’IUT de Caen de 1997 à 2003. C’est au début des années 1980 qu’il rejoignit l’IREM de Basse-Normandie, créé en 1973, et se rapprocha notamment de Jean-Pierre Le Goff et Denis Lanier, défenseurs de la « perspective historique ». Ensemble, ils ont animé à l’IREM un Cercle de lecture en histoire des sciences, créé au lycée Malherbe un Séminaire interdisciplinaire d’histoire des sciences (1984), lancé les revues Les Cahiers de la perspective (1981), La Science à l’âge baroque (1984), Scholies (1988). Avec Jean-Pierre Le Goff, Didier élabora l’exposition Le Pérugin, exercices sur l’espace, présentée au musée des Beaux-Arts de Caen au printemps 1984, et signa dans le catalogue un article au titre malicieux « La géométrie du mariage » – allusion au Mariage de la Vierge, chef-d’œuvre du Pérugin conservé à Caen. En août 1984, il fit partie de la délégation française au 5e Congrès international sur l’enseignement mathématique (ICME 5) à Adélaïde en Australie.
Passionné avant tout par l’histoire de la géométrie, il deviendra au fil des années un grand spécialiste de ce sujet. Il est l’auteur de nombreuses études sur l’histoire de la perspective et des modes de représentation (géométrie projective, théorie des coniques, anamorphoses), souvent en collaboration avec Jean-Pierre Le Goff, ainsi que, plus récemment, sur la théorie des droites parallèles. Il s’est aussi intéressé à l’histoire des probabilités (Huygens, Buffon), à l’histoire de la théorie des nombres, aux appareils mécaniques de géométrie, ainsi qu’aux recherches du savant normand Augustin Fresnel sur les systèmes optiques des phares, symbolisées sur la façade de son lycée par un phare en bas-relief de grande hauteur.
Didier a participé à l’organisation de trois colloques d’histoire des sciences en Basse-Normandie : Destin de l’art, desseins de la science (colloque ADÉRHÉM, Caen, 1986), La mémoire des nombres (Xe colloque de la CIIÉHM, Cherbourg, 1994) et Circulation, transmission, héritage (XXIIIe colloque de la CIIÉHM, Caen, 2010), et est très souvent intervenu dans les colloques de la CIIÉHM. Il a par ailleurs présenté beaucoup d’exposés à Caen pour différents publics. À titre d’exemples, citons :
- en 2005 un atelier aux Journées nationales de l’APMEP sur les Calculs d’Augustin Fresnel (1788-1827) pour améliorer le rendement des phares,
- en 2008 une animation lors de la Fête de la science autour des anamorphoses, dont le bulletin régional de l’APMEP signala le succès :
Les anamorphoses cylindriques préparées par le spécialiste Didier Bessot ont fasciné. C’était à qui, après avoir dessiné l’objet de son choix dans un quadrillage, le reporterait et le déformerait dans une grille incurvée pour le retrouver ensuite, parfait, quand le « miroir cylindrique » le lui renvoie. On a vu ainsi surgir d’un informe dessin au sol un très beau phénix, symbole de notre université, que la présidente d’icelle a fort apprécié.
Richard Choulet, Les Maths, l’Omega ?, n°7, janvier 2009 - en 2012 une très belle (cir)conférence sur Un problème de géométrie étudié par Philippe de la Hire (1640-1718) concernant les cônes à base conique, à partir d’un manuscrit inédit,
- en 2013, à l’occasion du quarantième anniversaire de l’IREM de Basse-Normandie, une magistrale démonstration de l’Utilisation d’une machine à mesurer les aires (planimètre d’Amsler) et un exposé avec Didier Trotoux sur Le jeu de la baguette de Buffon,
- en 2017 une présentation du Perspectographe de Jean-Henri Lambert (1728-1777) au séminaire de rentrée de l’IREM de Basse-Normandie,
- en 2023 une conférence sur Le père jésuite Girolamo Saccheri (1677–1733), correcteur d’Euclide et inventeur de résultats de la géométrie hyperbolique à venir, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’IREM de Basse-Normandie.
Il a également contribué de manière importante à l’initiation des professeurs de mathématiques à l’histoire de leur discipline, en formation initiale ou continue, dans l’académie de Caen, mais aussi à la Réunion où il fut invité en 2002 et 2007.
Début 2024, Didier m’écrivait ceci : « Merci de me tenir toujours au courant des activités et projets de la CIIÉHM, mais je crains que mes difficultés pour me mouvoir ne me permettent plus d’assister à ses réunions. Je présente mes vœux de bonheur et de réussite à tous les membres, et souhaite continuer à recevoir les informations sur le travail du groupe. » Cependant, sollicitant encore une fois un corps qui s’épuisait, Didier était présent à l’assemblée de l’IREM de Caen le vendredi précédant sa mort, et proposait même trois sujets d’intervention possibles dans le cadre du séminaire de l’IREM. Sa profonde érudition, sa rigueur dans le travail et la méthode, sa rectitude morale, son absence de carriérisme, son stoïcisme face à une accumulation précoce de problèmes de santé et sa profonde gentillesse derrière un abord qui pouvait intimider resteront dans les mémoires de celles et ceux qui l’ont connu.
Le phare sur le pignon du bâtiment A du lycée Augustin Fresnel de Caen, où a enseigné Didier Bessot
Notes rédigées par Pierre Ageron