Depuis une dizaine d’années notre groupe, « Maths et consommation », de l’IREM de Basse-Normandie travaille sur des problèmes de mathématiques liés à la consommation.
Notre motivation initiale a tout d’abord été de donner du sens aux mathématiques que nous enseignons, de motiver un certain public d’élèves habituellement rebuté par les mathématiques, et aussi de rendre les élèves plus autonomes et plus responsables face à notre société de consommation.
Nous avons développé de nombreuses activités sur ce thème et travaillé sur un ouvrage : « Mieux consommer grâce aux mathématiques » dont le premier tome est paru en septembre 2010 aux éditions Hermann. Il a été présenté dans le numéro 21 de MathémaTICE. Nous vous présentons ci-dessous le deuxième tome, paru en avril 2012.
1) Présentation générale de l’ouvrage
L’avantage du livre « Mieux consommer grâce aux mathématiques » est que contrairement aux romans, il n’est pas nécessaire d’avoir lu le tome 1 pour aborder le tome 2 : en fait la subdivision choisie correspond à deux niveaux distincts : le tome 1 est plutôt centré sur des exercices de niveau collège, le tome 2 sur des exercices de niveau lycée, même si quelques exercices peuvent être abordés dès le collège et quelques autres à l’université ; néanmoins tous les exercices font appel à des outils mathématiques ne dépassant jamais ceux du lycée et abordent directement la résolution de problèmes. Ils ont été conçus de manière à rester accessibles au public le plus large possible.
Disposer des outils du lycée nous permet d’aborder deux thèmes nouveaux : les crédits (en particulier les crédits renouvelables) et les jeux. Nous abordons aussi les pourcentages, les garanties, les courses, etc. Dans le prolongement du tome 1, développer l’autonomie des citoyens face aux pièges de notre société de consommation nous a semblé un objectif primordial. L’exercice « Une offre alléchante » que nous présentons ci-dessous illustre notre démarche. L’enjeu est de taille : le chiffre d’affaires des organismes de crédit s’élève à plusieurs dizaines de milliards d’euros ; en 2010 plus de 184 000 dossiers de surendettement avaient été déposés. Au total plus de 900 000 ménages français étaient surendettés, et plus de 80 % avaient contracté des crédits renouvelables. Pour traiter du calcul de ces crédits, l’utilisation des algorithmes se révèle un outil pertinent, et une partie du livre est consacré à la construction de ces algorithmes.
Une autre partie de ce tome 2 sera consacrée à l’étude de jeux en utilisant les probabilités, comme nous l’illustrerons dans le deuxième exercice présenté.
Tous les exercices ont été construits à partir de situations réelles : choisir entre deux promotions, évaluer s’il est plus intéressant de louer ou de payer les intérêts d’un emprunt immobilier, estimer le prix du fuel, etc. Ils sont tous corrigés et quelques rappels de cours sur les pourcentages, les suites, les remboursements d’emprunt et les algorithmes peuvent être consultés si besoin. L’élaboration de ces exercices a demandé un travail de préparation important afin de réduire la distance entre une situation réelle et une situation d’apprentissage.
Voici deux exercices de notre ouvrage que nous vous présentons ci-dessous :
2) Une offre alléchante
L’exercice suivant a pour but d’étudier un prospectus publicitaire proposant un crédit, ainsi qu’une assurance (dans la deuxième partie de l’exercice) et ses évolutions dans le temps.
Voici l’énoncé de l’exercice :
Une offre alléchante
Comme il est indiqué dans le commentaire de l’exercice, le coût du crédit (surtout lorsque l’on a opté pour l’assurance) est beaucoup plus élevé que ne le laissait prévoir l’offre publicitaire ; en fait lors de nos recherches bibliographiques, nous nous sommes aperçus que cette pratique de proposer un crédit à un taux intéressant afin d’appâter le consommateur et de lui proposer ensuite une offre de crédit renouvelable assortie d’une assurance, était une pratique beaucoup plus courante que nous le pensions. Et si le client à qui l’on proposait l’offre n’avait pas une petite idée de ce qu’il attendait, il lui était très difficile de résister aux arguments d’un commercial aguerri.
La construction d’un algorithme est plus appropriée que l’utilisation d’outils mathématiques rendue difficile à cause des mensualités variables et arrondies. De plus, une fois cet algorithme construit, les modifications pour construire un nouveau programme pour calculer le coût du crédit quand on change le montant de la mensualité ou que l’on ajoute une assurance au crédit sont plus souples à apporter et permettent de s’assurer de la compréhension des élèves.
3) Le rapido
Le but de cet exercice est de faire quelques calculs de probabilité à partir d’un bulletin de Rapido afin de mieux cerner le jeu.
Voici l’énoncé de l’exercice :
Le Rapido
Cet exercice permet d’aborder sur un exemple concret quelques notions de probabilité : combinaisons, variable aléatoire, loi de probabilité, espérance. L’aspect répétitif permet de se familiariser doucement avec une notion, de détailler le calcul de combinaisons sur une question, et de vérifier sur les autres questions si les élèves ont bien assimilé la technique. L’interprétation du résultat permet de donner un sens un peu concret à la notion d’espérance.
De plus, une fois la table de la loi de probabilité construite, elle peut être réinvestie pour construire d’autres exercices : simuler par exemple plusieurs enjeux consécutifs en utilisant la loi binomiale pour répondre à une question précise : combien a-t-on de chances de gagner au moins une fois en jouant 10 fois de suite ? combien a-t-on de chances de gagner au moins une fois une somme supérieure à 100 € en jouant chaque jour pendant un an ? Etc.
Enfin l’exercice peut-être présenté comme une illustration de la loi hypergéométrique à un niveau supérieur.
4) Conclusion
Ces deux exemples illustrent notre démarche d’accompagnement des élèves (et des professeurs) afin qu’ils utilisent les mathématiques qu’ils ont apprises, dans des situations réelles.
Les exercices correspondent à l’esprit « Real life » des études PISA. Ils permettent aussi de mieux ancrer les notions apprises, en les réinvestissant, parfois plusieurs fois de suite. Ainsi, dans les deux exercices présentés, on utilise un outil dans une question (un algorithme dans un cas, les combinaisons dans l’autre cas) qui est à nouveau employé dans les questions suivantes de manière légèrement différente.
Comme le souligne Gérard Kuntz dans sa préface, rappelons que notre ouvrage s’inscrit dans une démarche citoyenne qui dépasse le seul cadre mathématique, et que nous avons essayé de prolonger par une conclusion où une réflexion éthique est amorcée.
En ce temps de crise économique, nous espérons que ce livre, avec l’action des professeurs, apportera des solutions à chacun pour agir de manière concrète afin d’améliorer sa vie ou celles des autres.
Je remercie encore Gérard Kuntz d’avoir préfacé notre ouvrage et de m’avoir proposé d’en parler dans MathémaTICE .
Gilles Damamme